Nous pleurons la disparition de Selma van de Perre
26.10.2025
Selma van de Perre-Velleman (1922 – 2025)
Une vie qui témoigne du courage, de la résistance et
de l'humanité indestructible
Selma van de Perre est née Selma Velleman le 7 juin 1922 à Amsterdam,
fille de Barend Velleman and Femmetje Spier, au sein d'une famille juive
chaleureuse et progressiste. Son enfance fut imprégnée d'optimisme
et de curiosité ; elle grandit entourée de livres, de musique
et de la conviction que le monde pouvait être compris et amélioré.
Mais cette foi fut cruellement brisée au début des années
1940.
Au début de l'occupation, Selma vit la société dans
laquelle elle avait grandi se transformer lentement. Ce qui paraissait
autrefois impensable devint un phénomène quotidien :
les interdictions, les humiliations et la peur sont arrivées.
En 1942, lorsque les déportations commencèrent, Selma comprit
qu'elle ne pouvait plus attendre. Elle rejoignit la Résistance et adopta
un nouveau nom :
D'abord Wil Buter, puis Marga van der Kuit. Sous cette identité, elle
parcourait le pays, se faisant passer pour une jeune femme ordinaire,
mais travaillant en réalité comme messagère pour un groupe de
résistance. Elle livrait des documents illégaux, distribuait de fausses
cartes d'identité et transmettait des messages à
des clandestins. Chaque voyage en train pouvait être le dernier. Elle devait être constamment sur ses gardes, dans les rues, les gares, aux postes de contrôle. Un faux regard, un faux nom, et tout était fini.
Ce qui la motivait n'était pas un héroïsme téméraire, mais un profond sens des responsabilités. « J'ai
fait ce que j'ai pu », dira-t-elle plus tard. « Non pas par courage, mais parce qu'il me semblait impossible de ne rien faire. » À une époque où la peur était la norme, Selma a choisi d'agir ; un acte d'humanité discret, mais radical.
En juin 1944, alors que la fin de la guerre semblait proche, elle fut trahie. Arrêtée, interrogée et transférée au camp de Vught, elle y resta détenue pendant des semaines en attendant son transfert. Finalement, elle fut déportée à Ravensbrück, le plus grand camp de concentration pour femmes d'Allemagne. Là, son nom fut à nouveau effacé et
Remplacé par un numéro. Les journées étaient faites de travaux forcés, de faim, de froid et de peur constante
des mauvais traitements ou de l'exécution. Pourtant, Selma, comme d'autres prisonnières, s'efforçait de préserver son humanité.
Elle aidait ses codétenues malades, partageait le peu de pain qu'elle avait et se permettait même parfois de transmettre des messages ; de petits éclats d'espoir qui passaient de main en main. Dans le chaos du camp, une solidarité silencieuse émergeait : des femmes de toutes nationalités murmuraient leurs noms, se soutenaient, affirmaient leur existence dans un monde qui voulait les anéantir.
À la libération de Ravensbrück en avril 1945, Selma, affaiblie mais vivante, fut emmenée hors du camp à bord des « bus blancs » vers un pays sûr. De sa famille.
Il s'avéra que personne n'avait survécu à la guerre ; ses parents et sa sœur cadette Clara avaient été
assassinés dans les camps de concentration. Elle porta cette perte toute sa vie, sans amertume, mais avec une mélancolie inexprimée qui teintait ses récits.
Après la guerre, elle choisit un nouveau départ. Elle partit pour l'Angleterre, où elle rencontra son mari, Hugo
van de Perre, et eut un fils. Elle travailla comme journaliste et traductrice, notamment pour la BBC, et maintint ses liens avec les Pays-Bas grâce à son travail journalistique pour AVRO et Televizier. Elle devint citoyenne britannique, mais son cœur resta à Amsterdam, la ville de sa jeunesse.
Ce n'est que plus tard qu'elle décida de coucher par écrit son récit de guerre. Dans son livre, « Je m'appelle Selma », elle capta ce qu'elle avait porté en silence pendant des décennies. Non pas pour se mettre en avant, mais pour témoigner pour sa famille, pour les femmes de Ravensbrück et pour tous ceux qui ne pouvaient plus parler. Son style clair et pragmatique la marqua profondément ; ses mots portaient la force de celle qui avait vu le mal et refusé de s'y soumettre.
Jusqu'à un âge avancé, Selma s'est entretenue avec des élèves (notamment lors de sorties scolaires), des étudiants (notamment lors des anciens voyages de l'école normale) et des journalistes. Elle le faisait avec
calme, sans pathos, mais avec une clarté morale touchante. « La liberté », disait-elle souvent, « n'est pas
quelque chose qu'on possède, c'est quelque chose qu'on protège. Chaque jour. »
Le 20 octobre 2025, Selma van de Perre - Velleman est décédée à Londres à l'âge de 103 ans.
Elle était l'une des dernières résistantes néerlandaises encore en vie, témoin d'une époque qui passait lentement du souvenir à l'histoire. Sa vie symbolisait la résilience de l'esprit, le choix de rester bon face au mal.
Selma a laissé derrière elle bien plus qu'une simple histoire. Elle a laissé derrière elle une boussole morale ; un rappel de ce que signifie rester humain, surtout à une époque où le monde semble perdre son humanité.
Repose en paix, Selma. Ton nom demeure et ton histoire sera racontée à jamais.