Session en ligne,18.12.2020

18.12.2020
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Rapport 18 décembre 2020 pour le site internet Ambra Laurenzi - Présidente CIR / IRK

Notre Comité, au moment du passage de sa Présidence à la deuxième génération, a été confronté à une interruption forcée du fait de la pandémie. Ce passage à la deuxième génération nous confronte à la nécessité de repenser et identifier nos objectifs et accessoirement COVID 19. Nous aurons l’occasion d’identifier et d’approfondir la pratique de ces nouveaux outils qui deviendront importants pour nos échanges à l’avenir. Il nous faut maintenant réfléchir et fixer nos objectifs pour l’avenir du CIR. Notre tâche au fil des années a été de soutenir les survivant(e)s et d’être leur porte-parole mais en aucun cas les témoins de leur passé. Pour cette raison, je crois aujourd'hui que nous ne pouvons pas limiter nos activités à perpétuer leur souvenir et leur rendre hommage, mais en les gardant toujours au centre de nos activités, leurs souffrances et leur sacrifice afin que cela soit une alerte pour empêcher que ne se répètent leurs souffrances. Nous savons que nos mères étaient unies et liées par une histoire commune qui en a fait des « sœurs » : ce ciment a garanti de longues années de compréhension et d'actions. Nous pouvons facilement imaginer qu’il y eut quelques incompréhensions entre elles, mais je crois que cela ne les aura jamais éloignées de leurs objectifs principaux qui étaient fondés sur la volonté de ne pas disperser leur histoire et aussi sauvegarder les lieux de souffrances. En étant elles-mêmes protagonistes et narratrices elles identifiaient et l’Histoire et la Mémoire. Ce n’est qu’elles et elles seules qui pouvaient vraiment savoir ce que représentait la déportation, ce qu'étaient les camps, ce qu'était la terreur, ce qu'était la faim, ce qu'était la douleur, ce qu'était le froid, ce qu'était la fatigue, on peut imaginer bien sûr, mais nous ne pouvons pas "savoir". Les seules vraies voix au sein du Comité aujourd'hui sont celles de Stella, Ib, Barbara et Eugenjia. Plus nous nous éloignons de cette période, de leur déportation et de leurs souffrances, plus nous devons faire un effort pour comprendre et de fait l’écart se creuse entre Histoire et Mémoire Il nous faut donc se fixer des objectifs précis. Nous pouvons certainement répondre aux questions suivantes

De combien de pays provenaient les femmes de Ravensbrück? Nous le savons, environ 40. Quelles étaient leurs différences ? Opposantes politiques, communistes, socialistes, Juifs, Témoins de Jéhovah, Tsiganes et Roms , asociales (parmi lesquels figuraient les lesbiennes), délinquantes de droit commun. Quel était leur sort ? Pour celles qui n'étaient pas utiles au troisième Reich, la chambre à gaz. Pour ceux et celles qui pouvaient être exploités le travail forcé, être esclave était le sort qui les attendaient Comment étaient-ils considérés ? Sous hommes, n’ayant aucun droit, ne pouvant exprimer aucune volonté, disponible à la demande

Si nous voulons travailler pour un avenir qui respecte les valeurs et les principes pour lesquels nos mères ont combattu et beaucoup d'entre elles sont mortes, n’oublierons jamais ces réponses partagées par tous. De même nous ne devons pas perdre de vue la cause de tout cela, le fascisme nazi et les raisons qui l'ont généré. Et il ne faut pas oublier qui est devenu complice, non pour mettre en œuvre une forme de justice posthume, mais parce que si l’on ne l' identifie pas, on risque de ne pas reconnaître ce qui pourrait se reproduire. J’ai répété à plusieurs reprises combien je suis inquiète de voir que mon pays n’a pas suffisamment étudié la dictature fasciste et ses qui a duré 20 ans et ses responsabilités. Pourquoi je vous dis ça? Parce que sur la connaissance de sa propre histoire, le pacte social entre les générations existe . Parce que le contrôle démocratique sur la politique de chaque pays vient avant tout de son fonctionnement à l’intérieur de ses propres frontières. Je suis vraiment inquiète car nous assistons depuis quelque temps à des épisodes discriminatoires, pour différentes raisons et dans plusieurs pays et ces dérives ne peuvent être acceptées. Notre tâche, notre action, pour perpétuer l’histoire de la déportation de nos mères, sera de ne pas arrêter en soulignant chaque évènement, chaque loi, chaque attitude qui pourrait s’avérer discriminatoire envers quiconque quelques soient le sexe, la nationalité, la religion, les préférences sexuelles, les croyances politiques. Pour ces raisons, nos mères ont été déportées par le fascisme nazi. Donc le principal objectif de notre engagement, si nous voulons vraiment que le Comité ait un but et un avenir, est de parler de mémoire partagée Nous savons que l'histoire et la mémoire peuvent cependant parfois être divergentes si les événements ultérieurs sont en conflit . Nous savons que la mémoire est l'identité d'une population. Nous savons qu'il peut entrer en conflit avec d'autres mémoires. C'est pourquoi notre travail est difficile, mais nécessaire. Alors je me demande et je vous demande si nous pourrions trouver une vue commune pour partager cette mémoire. Pouvons-nous trouver des valeurs communes sur une guerre terminée en 1945 ? Pouvons-nous trouver une langue commune ? Et enfin, peut-on considérer que la mémoire des camps serait la base de nos de pensées et un point de départ ? Nous sommes un comité d' environ 30 personnes, mais nous représentons 130 000 personnes. Nous les représentons tous, polonais, russe, français, norvégien, danois, belge, autrichien, néerlandais, allemand, espagnol, tchécoslovaque, hongrois, slovène, italien et tous les autres pays. Elles étaient unies, bien que parlant des langues différentes, elles s’entraidaient tout en risquant des coups et des humiliations, elles soignaient et s’occupaient des enfants des femmes décédées, comme les Russes, elles trouvaient le chemin pour enseigner aux enfants leurs langues pour qu’ils n’oublient pas, comme les Polonaises. Elles trouvèrent le moyen d’écrire une opérette, comme Germaine Tillion, elles remontaient le moral de leurs compagnes et écrivaient leurs noms et adresses pour peut être un jour pouvoir le dire à leurs proches, à leurs familles. Comme Rosalia Poropat elles sabotèrent le travail dans les usines Siemens, il y avait celles aussi qui ne pouvaient pas fabriquer des pièces car trop épuisées, relayées par d’autres pour ne pas être découvertes. La liste est longue et vous en connaissez beaucoup de ces récits et témoignages Tout cela constitue une fresque d’humanité et de valeur morale. C’est là un enseignement qu’elles nous ont laissé, et nous ne pouvons pas le trahir. Je sais que nous ne serons pas en mesure de trouver facilement la synthèse, mais je vous demande de travailler ensemble pour cela.